Observations d’un comité de paix mennonite sur l’île de Lesbos en septembre 2020

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Rapport en direct depuis Lesbos du groupe d’études du Comité Mennonite pour la Paix (*)

Un petit groupe du Comité mennonite allemand pour la paix était présent sur l’île de Lesbos du 11 au 19 septembre 2020. Jusqu’à la dernière minute, il n’y avait aucune certitude que ce voyage puisse avoir lieu. Nous sommes donc heureux d’avoir pu entreprendre cette aventure, même si une grande partie de ce que nous avons vu et vécu était profondément troublant.

Ceci puisque nous avons pu observer de très près l’échec de tout un système qui maintient les réfugiés dans des conditions inhumaines sur l’île.  Ce camp de Moria incendié, un soi-disant «centre d’accueil européen», était une horreur. Il n’y avait pratiquement pas d’eau là-bas, la nourriture était immangeable et rendait les gens malades ; en pleine pandémie coronavirus, il était impossible de garder les distances. Une clinique MSF (Médecins Sans Frontières) à l’extérieur du camp a dû être fermée pour la faible raison qu’il y avait eu des «violations d’urbanisme» … et cela à l’époque du coronavirus. 

Depuis l’incendie, nous sommes passés à de nombreuses reprises à Moria, où il y avait toujours quelques réfugiés qui fouillaient dans les restes calcinés du camp. Certains traînent leur butin vers Mytilène. Sur le chemin vers la ville, nous devions faire un grand détour, car la rue principale était toujours «peuplée» de milliers de personnes six jours après l’incendie.

Il était difficile d’arriver là où se trouvaient ces personnes parce que la police avait mis en place un blocus. Deux partenaires de Aegean Migrant Solidarity (AMS, l’équipe locale des Artisans de paix chrétiens) ont réussi à s’y rendre par des chemins secrets. Ils ont observé les violences policières contre les personnes qui appellaient à la liberté et qui ne voulaient pas être cachées dans un deuxième camp. Elles veulent simplement quitter l’île.

Ce camp Moria ne devrait plus jamais exister

Personne qui vivait dans le camp n’a regretté qu’il ait été détruit. Il est intéressant de constater que la majorité de la population locale en est heureuse – y compris les extrémistes de droite. Parce que personne ne veut que l’île ou tout autre endroit de l’île serve de prison pour les demandeurs d’asile. Et la plupart des ONG, avec lesquels nous avons pu échanger, disent : “Nous comprenons ceci :  Moria ne devrait plus jamais exister et rien de tel ne devrait être construit sur ses cendres.”

Seuls les femmes et hommes politiques étaient mal à l’aise. Parce qu’ils devaient maintenant chercher une autre solution pour les plus de 12 000 personnes. La Commission des droits de l’homme des Nations Unies et le Haut Commissariat des Réfugiés (HCR), doivent  accompagner le transfert des personnes vers le nouveau camp. Les instances parlent d’encourager les gens à y aller. Cependant, les vidéos de cet «encouragement» montrent que les gens sont traînés hors de leurs tentes. Le gaz lacrymogène est utilisé pour leur donner une «motivation» supplémentaire pour se rendre dans le nouveau camp. Les gens savent à quoi s’attendre là-bas : un nouveau camp Moria.

Que peut-on faire ?

Avec AMS, nous avons pu apporter un peu d’aide concrète. Le camp alternatif, Pikpa, distribue de la nourriture aux mineurs non accompagnés. Nous avons également rencontré un groupe de personnes dormant sur une plage au nord de la ville. Nous avons pu leur apporter de la nourriture, des couvertures et des vêtements chauds.
Que faire ? Il n’y a qu’une seule solution pratique : évacuer immédiatement les gens de l’île est le seul moyen d’éviter que ce chaos ne se répète. Et, bien sûr, cela doit être une solution européenne. On nous demande tous de prôner un changement de politique. L’Allemagne en particulier a largement profité en accueillant un million de réfugiés en 2015-2016. Et a plus que suffisamment d’espace pour accueillir des milliers de personnes supplémentaires. L’argent est là pour les intégrer dans la société. Seule la peur d’une minorité de voix inhumaines empêche la politique allemande de le faire. Étant donné que la plupart des hommes et femmes politiques n’ont pas le courage eux-mêmes de faire ce qu’ils savent être moralement juste et bon, nous devons continuer à faire pression sur eux. 

(*) Tiré du Bulletin du Comité ménnonite allemand de la Paix – un des organismes regroupés au sein d’Eglise et Paix , dont fait partie également l’Assemble de France. Traduction de Gretchen Ellis

Lien vers l’article original en allemand sur le site de la lettre de DMFK